À l’écoute des premiers sons martiens récoltés par Perseverance
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Le robot Perseverance a pu enregistrer, grâce au microphone développé par l’ISAE-SUPAERO, les premiers sons de la planète Mars audibles par l’oreille humaine. Une équipe internationale dirigée par un enseignant-chercheur de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et regroupant des scientifiques du CNRS et de l’ISAE-SUPAERO publie dans la revue scientifique Nature le 1er avril 2022 L’analyse de ces sons, obtenus grâce à l’instrument franco-américain SuperCam.
Aucun son ne nous était jamais parvenu durant les 50 ans d’exploration martienne. La mission Perseverance de la Nasa a mis fin à ce néant sonore en enregistrant les premiers sons martiens. L’équipe scientifique de l’instrument SuperCam installé sur le rover Perseverance était persuadée que l’étude du paysage sonore de Mars pouvait faire avancer notre compréhension de cette planète. Ce pari scientifique a débouché sur la conception d’un microphone dédiée à l’exploration de Mars, à l’ISAE-SUPAERO.
Des résultats indispensables à l’exploration planétaire
Perseverance a enregistré pour la première fois l’ambiance sonore de la planète rouge le 19 février 2021, le lendemain de son arrivée. Ces sons se situent dans le spectre audible de l’humain, entre 20 Hz et 20 kHz. En premier lieu, ils révèlent que Mars est calme.
Au-delà de leur analyse, les scientifiques se sont intéressés aux sons générés par le rover lui-même, le microphone étant un véritable stéthoscope fournissant un diagnostic sonore de la bonne santé du rover. Il permet aussi d’analyser les ondes de chocs produites par l’impact du laser de SuperCam sur les roches pour les identifier ou encore d’écouter les vols de l’hélicoptère Ingenuity.
L’étude de la propagation sur Mars de ces sons, dont le comportement est parfaitement connu sur Terre, permet de caractériser finement les propriétés acoustiques de l’atmosphère martienne. Cette analyse permet d’en savoir plus sur les caractéristiques physiques de l’atmosphère de la planète rouge, en particulier sur la vitesse du son et son atténuation.
Une planète en sourdine
Les scientifiques ont ainsi montré que la vitesse du son est plus faible sur Mars que sur Terre : 240 m/s, contre 340 m/s sur notre planète. Mais le plus surprenant est qu’il existe en réalité deux vitesses du son sur Mars, une pour les aigus et une pour les graves. L’atténuation du son est plus forte sur Mars que sur Terre, particulièrement pour les aigus qui se perdent très vite, même à faible distance contrairement aux graves. Tous ces facteurs rendraient une conversation difficile entre deux personnes séparées de seulement cinq mètres. Ils sont dus à la composition de l’atmosphère de Mars composée de 96% de CO2, contre 0,04% sur Terre et la très faible pression à sa surface 170 fois plus faible que sur Terre.
10 ans de recherche à l’ISAE-SUPAERO
Les équipes du groupe de recherche « Systèmes Spatiaux en Planétologie & Applications (SSPA) » de l’ISAE-SUPAERO sont convaincues depuis des années de l’intérêt scientifique du développement d’un microphone pour mieux appréhender la planète Mars. Fort d’un héritage scientifique issu de recherches et de missions spatiales d’envergure comme InSight, ou de ses contributions aux missions terrestres d’exploration sous ballon Stratéole-2 du CNES, l’Institut travaille depuis plus de 10 ans sur des outils de modélisation pour étudier l’interaction des atmosphères planétaires avec les planètes rocheuses.
Pour cette mission martienne, une équipe de 4 chercheurs, Alex Stott, Martin Gillier, David Mimoun et Naomi Murdoch, travaille depuis l’arrivée de Perceverance, il y a un peu plus d’un an, à l’analyse de ces sons. Mais l’équipe SSPA, composée de 3 ingénieurs et 2 chercheurs a été impliquée depuis 2016 à la conception, à la fabrication,à la réalisation des tests du microphone SuperCam , ainsi qu’à la préparation scientifique de la mission.
Donc en sus de la conception et des tests du microphone de SuperCam, les scientifiques de l’Institut ont joué un rôle pionnier dans les analyses atmosphériques de la planète rouge et les résultats sont très prometteurs :
« Nous disposons par exemple, pour la première fois, de mesures à haute fréquence de la turbulence de l’atmosphère martienne, un paramètre clé des modèles de climatologie martienne. Plus largement, les données collectées vont nous permettre de faire de la planétologie comparée, c’est-à-dire de mettre au point des modèles applicables à la planète Mars, pour in fine mieux comprendre ses différences avec la Terre », affirme David Mimoun, qui mène l’équipe scientifique du microphone à l’ISAE-SUPAERO.
L’étude de cette turbulence, à des échelles 1000 fois inférieures à ce qui était connu, améliorera la connaissance de l’interaction de l’atmosphère avec la surface de Mars. Après un an de mission, cinq heures d’enregistrement de l’environnement sonore ont été captées au total. Dans le futur, d’autres robots équipés de microphones pourraient améliorer la compréhension des atmosphères planétaires. L’analyse des modèles de climat des planètes de type terrestre est essentielle pour comprendre le réchauffement climatique que nous subissons.