L’Aéro-Médalier pour un ciel accessible à tous
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L’Aéro-Médalier est un projet d’équipement aéronautique permettant aux personnes ayant perdu l’usage de leur jambe de piloter tous les types d’aéronefs. Cet équipement possède la particularité d’être transférable d’un avion à un autre pour diminuer la pénurie des avions équipés de malonnier standard.
Présentation du projet Aéro-médalier
Philippe Carette, pilote instructeur, est le père de ce projet développé en collaboration avec une équipe de cinq élèves en troisième année de la formation ingénieur ISAE-SUPAERO dans le cadre de leur Projet Ingénièrie Entreprise (PIE). Leur objectif est de construire un démonstrateur de principe pour aboutir à la réalisation d’un prototype qui sera présenté aux instances aéronautique pour la certification en vol. Ce projet sera présenté sur le prochain Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace du Bourget (SIAE) invité par la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande et soutenu par le ministère des Sports.
Philippe Carette est paraplégique suite à un accident de moto à 23 ans à Singapour où il était ingénieur en métrologie. De retour en France, Philippe s’est reconstruit et au fil des rencontres, il s’est passionné pour l’aéronautique. Il vole depuis 22 ans, a passé toutes les qualifications de la licence de pilote privé à la qualification de vol de nuit en montagne. Il est instructeur pilote depuis 5 ans et forme en majorité des pilotes valides. Essentiellement, parce qu’il y a en France seulement 10 avions équipés sur 5 sites. Trop peu d’offres par rapport à la demande d’élèves handicapés.
Philippe explique comment lui ai venu l’idée de ce projet, « après avoir volé pendant des années sur tout type de malonnier, j’ai pensé qu’il serait intéressant de standardiser ce dispositif au niveau de l’ergonomie de commande pour le rendre transposable sur tout type de machine volante au sein des centre de formation ou des aéroclubs. » Cette demande vient du public « élèves-handicapés », mais aussi des centres de formation qui souhaitent s’engager dans la voie du pilotage pour tous.
L’Aéro-Médalier est le nom de ce malonnier spécifique que cet ex-ingénieur s’attache à développer. Il s’agit d’un système de commande de pilotage muni d’un levier supplémentaire situé sur le flanc gauche de la cabine de pilotage qui, étant relié à la timonerie des palonniers, permet aux personnes n’ayant pas l’usage de leurs jambes de goûter aux joies du pilotage. Son plus, être transposable sur tout type de machines volantes. Ce concept peut aussi se décliner sur tout type de véhicules et de machines, de la pelleteuse à la dameuse. Ce qui lui confère une dimension sociétale pour le déplacement et l’employabilité des personnes en situation de handicap.
Cependant, le cahier des charges reste complexe sur le plan technique et juridique. Il s’agit d’un élément externe à l’avion devant être facilement installé et désinstallé sans modification de l’avion pour faciliter la certification. Il faut que ce système additionnel soit léger et réponde aux critères de fiabilité de l’aéronautique.
Pour développer un tel projet, Philippe Carette s’est appuyé sur la plateforme technologique d’Occitanie qui associe des établissements publics d’enseignement, de tout niveau, avec des projets d’entreprise. L’Aéro-Médalier associe les compétences des élèves du lycée technique Charles Renouvier de Prades (66) et celles de troisième année d’élèves ingénieurs de l’ISAE-SUPAERO.
L’Aéro-Médalier a été lauréat de l’appel à projet organisé par le Centre National pour le Développement du Sport (CNDS) du ministère des Sports dans le cadre du projet héritage et société 2024 dans la perspective des jeux olympiques à Paris. Ce prix pour l’innovation sociale et le développement des pratiques au cœur de projet sportif a permis un financement pour communiquer et aller vers la certification. « Un certain nombre de partenaires ont rejoint le projet depuis 6 mois, mais il est nécessaire de trouver d’autres financements pour rester dans la fourchette de 5 à 8000 € nécessaire à la production de l’équipement de chaque exemplaire. Un budget qui nous semble abordable pour les aéroclubs désirant l’acquérir » précise le porteur du projet.
En intégrant la particularité du handicap dans la complexité d’un cockpit, l’Aéro-Médalier s’attaque au plus difficile montrant que certains aspects de la vie courante des handicapés pourraient être résolus facilement, tout étant question de volonté politique et de vision sociétale.
L’objectif à court terme des élèves de l’ISAE-SUPAERO et de leur porte-parole, Théo Masurier, est de rédiger un cahier des charges très précis pour amener le démonstrateur à la certification. Ce sera ensuite la commercialisation sous l’égide de la fédération française de l’aéronautique pour l’avion, aux particuliers, aux fédérations, ou aux centres de formations dans une enveloppe financière raisonnable.
L’équipe projet de l’ISAE-SUPAERO est composée de cinq élèves ingénieurs, Joseph Blanc (Ecole Polytechnique en application à l’ISAE-SUPAERO), Vincent Maillet (3ème année), Kevin Tran (3ème année), Adrien Vasseur (Ensta Paritech) et Théo Masurier (3ème année). Nous avons rencontré ce dernier pour revenir avec lui sur l’intégration de ce projet dans leur formation.
Entretien avec le porteur du projet, Théo Masurier
Vous êtes une équipe de 5 étudiants de 3ème année à avoir choisi d’intégrer le projet « Aéro-médalier » au travers de votre PIE. Quelles ont été vos motivations ?
Nous avons choisi de travailler sur ce projet parmi les 80 proposés en octobre 2018. Le challenge était simple et passionnant : comment faire voler légalement l’Aéro-médalier. Nous avons travaillé pendant 5 mois et demi, à partir d’un prototype existant, à rassembler toutes les informations pour utiliser et intégrer à bord des avions, l’Aéro-Médalier conformément à la réglementation aérienne.
Après ce semestre de travail, quelles sont les avancées de ce projet d’un point de vue technique ? Pourriez-vous me faire un rapide point technique sur l’avancée du projet ?
Nous avons réussi à faire accélérer le projet en organisant un séminaire avec les acteurs majeurs du milieu aéronautique. Cette rencontre, entre pilotes handicapés, pilotes inspecteurs de la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile (DSAC), médecins aéronautiques, enseignants-chercheurs en navigabilité et neuroergonomie, a permis de fixer et d’élaborer la stratégie de demande d’autorisation d’emport en vol. Nous avons aussi établi grâce à des recherches bibliographiques, les bases d’un cahier des charges que chaque élément de l’Aéro-Médalier devra respecter pour être accepté en vol.
Nous avons également mis en place un plan de communication. Nous avons créé un logo, une chaîne YouTube, des pages Facebook pour augmenter la visibilité. Nous avons participé à la remise des récompenses de l’appel à projets du Centre national pour le Développement du Sport (CNDS) en présence de la ministre des sports, madame Roxana Maracineanu. Nous avons enfin organisé un cycle de conférence, au lycée Charles Renouvier de Prades, à l’ISAE-SUPAERO, auprès de collégiens et de lycéens dans le cadre de OSE (Ouverture sociale de l’ISAE-SUPAERO)… Le projet sera également présenté lors du 53ème salon du Bourget du 17 au 23 juin 2019.
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette démarche ?
L’important pour nous est d’avoir pu apporter concrètement notre aide dans un projet à fort impact sociétal dans un cadre à échelle humaine. La proximité, le travail en équipe et avec d’autres équipes composées de professeurs du lycée de Prades, de politiques, et de services administratifs a été très motivant. Nous avons pu développer notre expérience en gestion de projet et abordé des notions techniques, législatives, et sociétales.
Quels sont les attentes de l’ISAE-SUPAERO dans la réalisation de ce PIE ?
L’objectif est de nous faire découvrir concrètement la gestion de projet, rédiger un rapport détaillé de nos travaux et les présenter à l’oral. L’équipe a volontairement élevé ces attentes grâce à une motivation et une volonté d’implication en lien avec la volonté de Philippe Carette, de porter ce projet le plus loin possible au niveau national. Désormais les autorités aéronautiques, la ministre des sports, madame Roxana Maracineanu, ainsi que beaucoup de personnes qui ont le pouvoir de changer les choses connaissent désormais le projet. C’est un apport majeur de notre travail.