Vivre au mieux son confinement
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Alors que la France traverse sa deuxième semaine de confinement, Stéphanie Lizy-Destrez, enseignante-chercheuse de l’ISAE-SUPAERO et spécialiste des questions de confinement lors des vols spatiaux habités, partage ses recommandations pour affronter, au mieux, cette période inhabituelle. Elle nous fait part également d’un dispositif expérimental en cours conçu avec Raphaëlle Roy enseignante-chercheuse et l’équipe de recherche en neuro-ergonomie et facteurs humains qui implique des étudiants en situation de confinement sur le campus.
“À la différence du confinement d’un astronaute dans la Station Spatiale Internationale, le confinement que nous vivons actuellement n’a pas été choisi et constitue une épreuve à passer. Il est nécessaire de communiquer sur la date de fin de cet épisode contraignant auprès du grand public, car l’humain a besoin d’une échéance pour mieux supporter une telle situation, comme nous avons pu l’observer lors des missions analogues auxquelles nous avons participé” explique la chercheuse.
Comme remarqué lors de missions de simulation en situation de confinement, la période que traversons risque de se diviser en trois phases bien distinctes. Durant la première phase, les français ont connu un véritable chamboulement dans leur quotidien. Ils ont dû modifier leurs habitudes, leur rythme, se réorganiser au sein de leur habitation, mettre en place le télétravail tout en s’occupant de leurs enfants, etc. Au cours de cette première phase, qui a eu lieu la semaine passée, ils ont su profiter de moments calmes, de leurs proches, et ont pris le temps.
Le deuxième temps d’isolement risque d’être plus compliqué pour leur moral. La France rentre en effet dans la seconde phase de confinement. L’appréhension du virus, la sensation d’enfermement, la gestion de la nourriture, la vie en collectivité risquent de créer de véritables tensions au sein des ménages. C’est au cours de cette période qu’il faut réussir à tenir, à faire face à l’épreuve et à tolérer les autres malgré leurs petits défauts, d’autant plus que le confinement a un réel impact sur le sommeil, et donc sur l’humeur.
Viendra ensuite la phase 3, celle où le moral remonte car on aperçoit enfin la fin du confinement. C’est en ce sens que communiquer sur une date de fin s’avérera primordial. Alors pour tenter de vivre au mieux les prochaines semaines de confinement, voici quelques conseils à suivre :
- Maintenir une activité physique ou artistique régulière. Par exemple, pratiquer un cours de yoga, monter ou descendre les marches d’un escalier, peindre un tableau… Il est important de conserver ses habitudes. Ainsi, si d’ordinaire, on pratique un sport le lundi soir, il faut conserver ce moment et mettre en place une activité sportive, tout en l’adaptant à la surface de son habitation.
- Se sentir impliqué en exerçant une activité utile à la communauté. Cela peut se traduire de différentes manières : faire la cuisine, jardiner, ...
- Respecter les temps privés de chacun. Habituellement, chacun dispose de temps pour soi, que ce soit sur le chemin du travail, en allant faire des courses, en se promenant… Il est donc primordial de s’accorder des moments pour soi, en lisant un livre, en jouant à un jeu vidéo, en prenant un bain, en s’isolant dans une chambre. Chacun doit avoir du temps pour cultiver son jardin secret et faire preuve de souplesse avec les autres membres du foyer.
- Délimiter le temps dédié au travail et celui dédié aux loisirs. Lors d’un confinement, le lieu de vie devient aussi lieu de travail. La journée habituelle se voit alors déstructurée et la vie professionnelle peut parfois empiéter sur la vie privée. Il faut donc apprendre à bien diviser le temps de travail et le temps libre. Pour cela, il faut s’autoriser à faire des pauses, partager un repas avec les autres et vérifier ses horaires pour maintenir un équilibre.
Des étudiants actuellement confinés sur le campus participent à une expérience sur les impacts de l’isolement.
Une équipe de nos chercheurs en facteurs humains, en lien avec les travaux de recherche conduits dans le cadre de la chaire Concepts Spatiaux Avancés (AIRBUS, ARIANE GROUP, ISAE-SUPAERO), ont développé un protocole nommé TELEOP (Téléopérations) pour analyser l’évolution des performances et l’attention des astronautes en période de confinement. A travers la conduite d’un petit rover virtuel téléopéré, TELEOP met des sujets dans la peau d’un pilote de rover lunaire ou martien depuis une station en orbite. Les performances et les données cognitives sont récoltées avec des questionnaires, des électrocardiogrammes et un suivi de l’attention oculaire.
Le dispositif TELEOP a été expérimenté à plusieurs reprises depuis 3 ans. D’une part lors de deux missions MDRS (Mars Desert Research Station) de simulation de vie sur Mars dans l’Utah (USA) en 2018 et 2019 par des équipages d’étudiants ingénieurs de l’ISAE-SUPAERO et d’autre part dans la mission ARES-III de Lunares en Pologne, base de préparation au confinement des astronautes des missions spatiales.
En 2021, TELEOP devrait être embarqué dans la partie Russe de la Station Spatiale Internationale (ISS). Auparavant, les chercheurs auront travaillé en collaboration avec les experts de l’Institut des problèmes biomédicaux (IMBP) à Moscou pour configurer le matériel en conditions opérationnelles dans le NEK (base de simulation de confinement de l’IBMP) et entraîner l’équipage au protocole de l’expérience dans le cadre des missions SIRIUS-9 en 2019 et SIRIUS-20 en 2020-2021avec un confinement de 8 mois.
La semaine dernière, Stéphanie Lizy-Destrez, Raphaëlle Roy et l’équipe de recherche en neuro-ergonomie et facteurs humains ont proposé à des étudiants confinés sur le campus de participer à une expérimentation via le protocole allégé de TELEOP. Quatre-vingt d’entre eux en situation d’isolement dans leur chambre de 15m2 se sont engagés à remplir des questionnaires en ligne, tenir un journal de bord, partager leurs données physiologiques, psychologiques et techniques afin d’étudier les effets du confinement sur leurs performances cognitives. Leurs rares sorties, considérées comme les sorties extravéhiculaires des astronautes, permettront également de récolter un panel plus large de données.
Ces données complémentaires permettent d’expérimenter à des fins utiles le protocole scientifique. A l’horizon de 2022, TELEOP sera déployé, en lien avec l’Institut Polaire français, en Antarctique pour étudier les comportements dans un autre environnement extrême !