Rencontre avec Juan-Carlos DOLADO-PEREZ (M2008), chef du service Surveillance de l’Espace au CNES

Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique ?

Je viens d’Alicante, une ville au sud de l’Espagne. Depuis mon enfance, je rêvais de travailler dans l’aéronautique et le spatial, je me suis naturellement orienté vers l’université polytechnique de Madrid, qui était à l’époque la seule université espagnole proposant une formation d’ingénieur en aéronautique.
A la fin de ce cursus, deux choix s’offraient à moi, rentrer dans la vie active ou prolonger mes études. J’ai choisi d’approfondir mes connaissances dans les domaines aérospatiaux ... et de profiter encore un peu de ma vie étudiante !

Après discussion avec des collègues qui avaient fait des projets à Toulouse, j’ai choisi de venir en France et à Toulouse, capitale européenne de l’aéronautique et de l’espace. J’ai eu l’opportunité d’intégrer le MAE de l’ISAE-SUPAERO. Je parlais à l’époque très peu français, mais cela n’a pas été un frein car les cours étaient dispensés en anglais.

J’ai découvert à l’ISAE-SUPAERO une nouvelle façon d’enseigner et donc d’apprendre ces matières.
Je suis passé d’un enseignement très théorique en Espagne à une approche plus pratique en Master, avec plus de projets et d’applications.
Nous bénéficions également de cours dispensés par des intervenants professionnels venant de l’industrie aérospatiale (Airbus, Thalès, CNES…), ce qui nous permettait d’avoir une première confrontation avec les attentes et les réalités du monde du travail.
D’un point de vue personnel, cette expérience m’a également beaucoup apporté. Les élèves de MASTER sont originaires du monde entier, on peut ainsi découvrir de nombreuses cultures et apprendre à s’adapter au multiculturalisme.
Je suis sorti major de promotion et c’était pour moi une grande fierté d’avoir la reconnaissance du corps professoral, et ainsi pouvoir rentrer dans la vie active plein de motivation !

Comment construisez-vous votre carrière, qu’est ce qui vous motive dans vos choix ?

J’ai commencé ma vie professionnelle sans avoir une idée de parcours tout tracé.
Lorsque pendant mes études j’ai découvert la mécanique orbitale ce sujet m’a passionné ! J’ai postulé au CNES et j’ai eu l’immense chance d’être retenu pour un stage dans le service Manœuvres Orbitales. Le CNES est un endroit exceptionnel pour travailler dans le spatial, avec des sujets passionnants et entouré de gens passionnés.

Suite à mon stage, j’ai saisi une opportunité de devenir DATA SCIENTIST sur la mission CoRoT pour l’exploration de l’univers et la détection d’exoplanètes.
Cette mission a ouvert mon spectre car j’ai découvert le monde de la recherche scientifique, j’ai travaillé en collaboration avec des planétologues, des astrophysiciens, mais aussi avec les équipes opérationnelles qui œuvraient tous dans un but commun : faire avancer la science ! Cela m’a conforté dans l’idée qu’ « ensemble on est plus forts » et c’est devenu ma devise.

J’ai eu l’immense chance de travailler au CNES avec des équipes qui m’ont permis de développer mes idées, ayant toujours un esprit extrêmement constructif. J’ai pu ainsi développer des outils opérationnels d’analyse de la qualité des données scientifiques qui ont été utilisés bien après que je sois parti de cette activité.
J’ai ensuite ressaisi une nouvelle opportunité qui m’a permis de me rapprocher de mon domaine de prédilection : la mécanique orbitale.
J’ai ainsi intégré l’équipe qui travaillait dans le domaine de la surveillance de l’espace et des débris spatiaux.
La surveillance de l’espace s’inscrit dans le domaine d’intervention défense du CNES, elle consiste à savoir à tout moment ce qui est au-dessus de nos têtes et où ces objets (débris, corps de lanceur, satellites actifs ou non) vont aller, et s’il y a des risques de collision ou de rentrée dans l’atmosphère. Avec la facilité de l’accès à l’espace et la démultiplication d’objets en orbite (nouveaux lancements, explosions en orbite, tests anti satellites, …) le risque de collision en orbite ne fait que s’intensifier.
A titre d’exemple, pendant la première décennie du 21ème siècle, le nombre de satellites lancés en orbite par année était de l’ordre de la centaine. De manière comparative, pendant la seule année 2021, plus de 1500 satellites ont été lancés en orbite !
Face à cette augmentation du nombre d’objets en orbite et du risque associé de collision, le CNES surveille 24H/24 7j/7 une flotte d’environ 300 satellites afin de les protéger des risques de collision, via par exemple la recommandation de manœuvres d’anticollision avec un objet non actif ou la coordination du trafic spatial dès lors que le risque avec un autre objet manœuvrant existe.
Cette activité, qui relève d’un service public visant à protéger les plateformes spatiales européennes, est fourni par le CNES dans le cadre du programme Européen de surveillance de l’espace EU-SST.
Il est important de remarquer que le CNES a été un des pionniers de la surveillance de l’espace au niveau mondial, étant l’un des premiers à souffrir des conséquences de la pollution spatiale. En 1996, le satellite militaire Français Cerise a été le premier satellite à avoir été perdu à cause de l’impact avec un débris spatial. Aujourd’hui l’expertise du CNES dans ce domaine est connue et reconnue au niveau mondial.
Dans ce domaine passionnant et désormais indispensable de la surveillance de l’espace, j’ai donc commencé comme spécialiste, puis expert et j’ai désormais l’honneur et le privilège de travailler avec une équipe exceptionnelle en tant que chef du service surveillance de l’espace au CNES.

Avez-vous un message à délivrer à nos étudiants ?

Je voudrais tout d’abord leur dire d’oser, d’être curieux et ambitieux dans ce qu’ils font et toujours chercher à améliorer, à apporter une valeur ajoutée. Soyez non conformistes, dans le bon sens du terme. Ce n’est pas parce qu’on a l’habitude de faire quelque chose d’une certaine façon que c’est la bonne façon de faire.
Ensemble on est plus forts ! il faut rester ouverts aux belles aventures et grandir avec les autres.

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