PREMIÈRE ANNÉE DE LA MISSION MARTIENNE INSIGHT, DES RÉSULTATS SCIENTIFIQUES SURPRENANTS
InSight est la première mission consacrée à l’étude de la structure interne de la planète Mars. Entre autres outils scientifiques, elle comprend le sismomètre SEIS pour détecter les « séismes martiens », des capteurs de mesure du vent et de la pression atmosphérique, un magnétomètre et une sonde de mesure du flux de chaleur interne pour prendre la température de la planète.
SEIS est l’instrument principal de la mission InSight dont le CNES et l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris/CNRS/Université de Paris/Université de la Réunion/IGN) en assurent la responsabilité. À leurs côtés ont collaboré de nombreux instituts de recherche internationaux et français. L’ISAE-SUPAERO embarqué scientifiquement dans ce projet depuis plusieurs années, a participé au développement du modèle de l’instrument et au logiciel scientifique ainsi qu’aux analyses des données de la mission.
Aujourd’hui, une nouvelle compréhension de Mars apparaît à la lumière de la première année de la mission InSight de la NASA. Les résultats scientifiques auxquels sont associés des chercheurs de l’ISAE-SUPAERO sont décrits dans un ensemble de six articles publiés par les revues Nature Géoscience et Nature Communication. Ces articles révèlent une planète vivante qui est le théâtre de séismes, de tourbillons de poussière et d’étranges impulsions magnétiques.
Alors que l’équipe manœuvrait pour positionner la sonde de flux de chaleur comme prévu à la surface de Mars, le sismomètre ultrasensible a permis aux scientifiques de détecter de nombreux événements sismiques à des centaines, voire des milliers de kilomètres de distance.
Les ondes sismiques sont sensibles aux matériaux qu’elles traversent, offrant ainsi aux scientifiques un moyen d’étudier la composition de la structure interne de la planète. Mars peut aider l’équipe à mieux comprendre la formation de toutes les planètes rocheuses, y compris la Terre et sa Lune.
Présentation de quelques-uns des principaux résultats extraits de ces publications.
En sous-sol
Les tremblements de Mars s’avèrent plus fréquents, mais aussi de plus faible intensité, que prévu par les modèles théoriques. SEIS a enregistré plus de 400 événements sismiques à ce jour, probablement liés pour la plupart d’entre eux à des microséismes (et non au bruit de mesure généré par l’environnement, notamment le vent). Le plus fort séisme enregistré était proche de la magnitude 4, pas tout à fait assez puissant pour atteindre le manteau inférieur et le noyau. L’étude de la structure interne de la planète, « c’est la partie la plus savoureuse », selon Bruce Banerdt, chercheur principal au JPL. Les scientifiques en veulent plus : ils ont dû attendre des mois après l’atterrissage d’InSight en novembre 2018 avant d’enregistrer le premier événement sismique. L’atterrisseur s’est sûrement posé sur Mars à une période relativement calme, puisque fin 2019, l’instrument SEIS détectait environ deux signaux sismiques par jour. L’équipe attend avec impatience « the big one ».
Mars ne présente pas de tectonique des plaques comme la Terre, mais elle a des régions volcaniques actives qui peuvent générer des secousses. Deux séismes ont été associés à l’une d’elles, connue sous le nom de « Cerberus Fossae », où les scientifiques avaient déjà remarqué, sur les images très haute définition de Mars Reconnaissance Orbiter, des blocs de roche ayant pu être ébranlés par des séismes et précipités le long des abrupts. Dans cette région, d’anciennes inondations ont creusé des canaux de près de 1 300 km de long. Des coulées de lave s’y sont infiltrées au cours des 10 derniers millions d’années, un clin d’œil à l’échelle des temps géologiques.
Certaines de ces coulées de lave relativement récentes montrent des signes de fractures dues à des séismes il y a moins de 2 millions d’années. « C’est simplement le plus jeune élément tectonique de la planète », explique Matt Golombek, géologue-planétologue au JPL/NASA. Nous sommes très heureux, mais pas surpris, de trouver des preuves de séismes dans la région ! »
À la surface
Il y a des milliards d’années, Mars avait un champ magnétique. Celui-ci a disparu, mais laissé des témoignages, à savoir, d’anciennes roches magnétisées situées aujourd’hui entre une soixantaine de mètres et plusieurs kilomètres de profondeur. InSight est équipé d’un magnétomètre – le premier sur Mars – à des fins de détection à la surface.
L’instrument a révélé un champ magnétique à Homestead Hollow dix fois supérieur à ce qui avait été prévu sur la base des données satellites et des valeurs moyennes calculées sur quelques centaines de kilomètres alors que les mesures d’InSight portent sur une zone beaucoup plus locale.
Comme la plupart des roches à proximité d’InSight sont trop jeunes pour avoir été magnétisées par l’ancien champ de la planète, « ce magnétisme doit provenir de roches souterraines », a déclaré Catherine Johnson, planétologue à l’Université de Colombie-Britannique et au Planetary Science Institute. « Nous combinons ces données avec nos connaissances en sismologie et en géologie pour tenter de comprendre les couches magnétisées situées au-dessous de l’atterrisseur. Quelle force devraient-elles avoir pour que nous puissions détecter ce champ, et à quelle profondeur ? »
InSight a également détecté de mystérieuses impulsions magnétiques, généralement vers minuit. Ces impulsions pourraient provenir d’interactions de plusieurs éléments à la surface de Mars – que les scientifiques n’étaient pas sûrs de pouvoir déceler – plutôt que du sous-sol.
Côté vent
Les capteurs météorologiques d’InSight ont détecté des centaines de turbulences ou, lorsqu’elles soulèvent du sable et deviennent visibles, des tourbillons de poussière (dust devils en anglais). « Ce site présente plus de turbulences que les autres sites où des capteurs météorologiques ont été déployés sur Mars », explique Aymeric Spiga, scientifique à l’université de la Sorbonne à Paris, spécialisé dans l’étude de l’atmosphère. InSight mesure presque en continu la vitesse et la direction des vents et la pression atmosphérique, livrant plus de données que les précédentes missions.
Malgré toute cette activité et la fréquence des images, les caméras d’InSight n’ont pas encore vu de tourbillons de poussière, même si leur trace a été observée certains jours après leur passage, mais SEIS peut sentir les turbulences générées à la surface et la déformation de cette dernière. « Ces dust devils sont parfaits pour l’exploration sismique de la subsurface, » selon Philippe Lognonné de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), chercheur principal responsable de SEIS et professeur à l’Université de Paris.
Le noyau
InSight a deux antennes radio : l’une pour échanger des informations régulièrement avec la Terre, et l’autre plus puissante, pour mesurer les oscillations de l’axe de rotation de Mars. Cet instrument RISE (Rotation and Interior Structure Experiment) qui émet en bande X, pourra éventuellement révéler si le noyau de la planète est solide ou liquide. Un noyau solide ferait osciller Mars dans une moindre mesure qu’un noyau liquide. Cette première année de mesures n’est qu’un début. Les observations d’une année martienne complète, soit deux années terrestres, devraient permettre aux scientifiques de se forger une idée plus précise des oscillations de la planète (ampleur, vitesse…,).
À propos d’InSight et de SEIS
Le JPL/NASA gère la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et soutient l’exploitation de l’engin spatial pour la mission.
Le CNES est le maître d’œuvre de SEIS et l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris/CNRS/Université de Paris/Université de la Réunion/IGN) en assure la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante) puis les a testés avant leur livraison au CNES. Plusieurs laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/Ecole normale supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Museum national d’Histoire naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses sont soutenues par le CNES et l’Agence Nationale de la Recherche (projet MAGIS).
(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ, Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.
Pour en savoir plus sur les résultats InSight-SEIS.
Source : éléments extraits principalement du communiqué de presse CNRS/CNES/IGGP-Université de Paris - 24/02/2020
L’ISAE-SUPAERO, un laboratoire spatial au meilleur niveau international
Une large contribution sur le sismomètre SEIS
En complément de notre contribution au développement du modèle de l’instrument et au logiciel scientifique, l’ISAE-SUPAERO a eu pour mission de produire et d’utiliser les cartes de performance de l’instrument utilisées par l’équipe de la mission NASA lors de l’atterrissage sur Mars. C’est en effet la première fois qu’un instrument est déployé par un bras robotique sur une autre planète.
Grâce aux cartes fournies par l’ISAE-SUPAERO, qui prennent en compte les caractéristiques de l’environnement martien, ainsi que la configuration de l’atterrisseur Insight, les performances de l’instrument sont optimisées, et très proches de ce qui avait été prédit.
Une première étape vers les instruments du futur : PIONEERS
Capitalisant sur l’expérience sur le sismomètre SEIS, l’ISAE-SUPAERO poursuit actuellement le développement de la prochaine génération de sismomètres planétaires au travers du projet PIONEERS (Planetary Instruments based on Optical technologies for an iNnovative European Exploration using Rotational Seismology).
Ce projet a été sélectionné dans le cadre du programme Horizon 2020, le plus grand programme européen de recherche et d’innovation avec près de 80 milliards d’euros de financement sur 7 ans (dont 3 M€ alloués au projet PIONEERS).
L’équipe académique menée par l’ISAE-SUPAERO autour de PIONEERS est constituée des membres clés du consortium européen ayant fourni SEIS pour la mission InSight, dont l’Institut de Physique du Globe de Paris, inventeur de l’instrument SEIS. Les chercheurs comptent d’ailleurs profiter des développements technologiques de cette mission martienne pour aller encore plus loin avec ce projet. Celui-ci développera la prochaine génération de capteurs, en visant une rupture technologique reposant sur les technologies d’interférométrie optique.
Concrètement, l’ISAE-SUPAERO intervient dans la conception de l’architecture des instruments, ainsi que sur les contraintes liées aux opérations sur d’autres planètes ou petits corps du système solaire.
“Cette technologie sera 100 fois plus précise que le sismomètre SEIS. S’appuyant sur ce premier instrument qui permettait de mesurer les déplacements dans les trois dimensions, Pioneers sera un instrument « 6 axes » capable de mesurer également les rotations”, explique David Mimoun, Enseignant-chercheur responsable de l’équipe Systèmes Spatiaux pour la Planétologie à l’ISAE-SUPAERO et co-investigateur du projet SEIS.
ISAE-SUPAERO à bord du rover martien Mars 2020 de la NASA
En juillet prochain, le prochain rover martien Mars 2020 de la NASA qui décollera de Cap Canaveral, embarquera le microphone martien sur lequel nous avons une contribution en terme de développement.