Débris spatiaux, les chercheurs vont faire le ménage
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L’ISAE-SUPAERO, Airbus Defence and Space et ArianeGroup ont signé en 2017 une chaire espace pour développer l’étude des concepts spatiaux futurs sous l’aspect système et architecture. Créée pour cinq ans, elle est abritée par la Fondation ISAE-SUPAERO dans le cadre d’une convention de mécénat. La création du Space Advanced Concept Laboratory (SAC Lab) va permettre d’initier des projets de recherches et d’enseignement dans de nombreux domaines d’expertise spatiale. Un de ces axes, l’Active Debris Removal ouvre la chasse aux déchets spatiaux, un des grands enjeux scientifique et sociétal de la course à l’espace.
Le 4 octobre 1957, le lancement par l’URSS de Spoutnik 1, premier engin placé en orbite autour de la Terre, ouvre la porte de la conquête spatiale. En 60 ans, plus de 5 300 lancements de fusées ont généré plus de 29 000 objets inertes d’une taille de plus de 10 centimètres. Ils constituent une pollution minutieusement répertoriée de morceaux de fusées, de satellites en fin de vie et autres fragments d’engins.
Ces débris, hors de contrôle, se déplacent à une vitesse de 10 kilomètres à la seconde. Ils sont une menace pour les satellites d’observation de la terre en orbite basse et pour les satellites de télécommunication en orbite géostationnaire. Un impact avec un satellite peut entraîner sa destruction, générant d’autres déchets qui à leur tour deviendront des menaces, y compris pour l’ISS mettant en péril la vie des astronautes.
Les satellites, initialement conçus pour explorer l’univers et notre planète, représentent désormais un défi pour les missions spatiales d’aujourd’hui. En 2017, 85 missions ont été lancées, dont certaines embarquaient plusieurs charges utiles. Ce chiffre devrait encore augmenter en 2018. L’ensemble de l’écosystème spatial s’intéresse de très près à cette inflation. Industriels et institutions publiques se mobilisent partout en Europe et dans le monde pour réglementer, dépanner, éliminer et dépolluer l’espace.
Innovation et dépollution
L’ISAE-SUPAERO et son « Département Conception et Conduite des véhicules Aéronautiques et Spatiaux » (DCAS) recherche des solutions et développe de nouveaux modèles économiques. Au sein de son SAC Lab, cinq projets en Mastère Techniques Aéronautiques et Spatiales (TAS Astro) sont proposés en partenariat avec Airbus DS sur le nouveau paradigme de l’orbite géostationnaire. La maintenance en orbite, le recyclage, la gestion des débris, les transferts, sont autant de domaines étudiés dans ces projets.
Ces enjeux techniques et technologiques sont multiples. Ils se concentrent autour de la navigation et de la trajectoire d’approche du chasseur de satellite vers le débris cible. Ces recherches abordent également la stratégie d’accostage avec une cible non-collaborative et sa capture en douceur évitant ainsi de générer de nouveaux débris.
L’un de ces concepts emblématiques, développé par les européens et les américains, est un véhicule -remorqueur polyvalent : « the space tug ». Véritable robot de l’espace, doté de bras pince robotique, il disposera d’une certaine autonomie grâce aux informations fournies par ses capteurs tout en étant piloté depuis la Terre. Il pourra à la fois placer les satellites sur leur orbite, les réparer et les réapprovisionner en carburant pour prolonger leur durée de vie opérationnelle. En fin de service, il sera en mesure de modifier leur orbite et d’accélérer leur destruction dans l’atmosphère ou les entraîner vers une orbite « cimetière ».
Un code de bonne conduite
En attendant que ce service après-vente soit opérationnel, le recours à la législation semble s’imposer dans certains pays. C’est le cas de la France avec la loi sur les opérations spatiales*(CNES).
Pour l’ONU seuls des guides de bonnes pratiques existent pour lutter contre la prolifération de ces débris. Ne pas détruire volontairement les satellites et générer des débris est une de ces principales règles. Les avaries et explosions éventuelles doivent être anticipées en amont dès la conception du satellite.
La durée d’occupation d’une orbite est limitée à 25 ans. Tout satellite en fin de vie doit impérativement libérer l’espace pour protéger les deux zones principales d’exploitation spatiale. Avec le carburant restant, en zone LEO (Low Earth Orbit), il doit être désorbité vers la Terre et brûlé dans l’atmosphère au-dessus d’une zone inhabitée. S’il est positionné en zone GEO (Geostationary Earth Orbit) à 36 000 kms d’altitude, il devra être envoyé plus haut sur une orbite « poubelle ».
Éviter les collisions doit être la préoccupation première des états et des industriels lanceurs d’engins. Une taxe pollueur-payeur pourrait également voir le jour afin d’inciter les pays à adopter une éthique pour assurer une meilleure sécurité et la pérennité des systèmes dans notre espace proche.
Une nouvelle donne
Le projet Oneweb, avec ses 650 satellites de télécommunication en orbite basse, a pour objectif de fournir un accès universel à Internet en haut débit pour chaque terrien. L’arrivée de ces constellations de microsatellites de moins de 150 kg va redistribuer les cartes et accroître le trafic spatial. Le nombre de Cubesats ou nano-satellites conçus à bas coût par les universités ne va cesser lui aussi d’augmenter. En 2017, on comptait plus de 250 satellites d’une masse de 1 à 10 kg en orbite.
Ces microsatellites ne disposent pas de carburant leur permettant d’éviter les collisions ou de se désorbiter en fin de service. Cette miniaturisation peut être un atout, car ces nano-satellites en orbite basse devraient pouvoir disparaitre intégralement dans l’atmosphère. Mais leur nombre et la correction de leur trajectoire sont des paramètres à prendre en compte. Les constructeurs et les agences spatiales commencent à implanter des poignées d’accroche en vue de l’apparition des robots remorqueur désorbiteur et des satellites robots d’entretien et de maintenance spatiale (Robotic Servicing Vehicle –RSV).
La mise en place de stations-service géostationnaires est elle aussi envisagée pour organiser la gestion de ces flux spatiaux.
Espace vert ?
Mais la bataille est encore loin d’être gagnée. On estime à plus de 500 000 les débris de 1 cm qui tournent au-dessus de nos têtes. Beaucoup plus petits et difficilement contrôlables, ils peuvent générer d’importants dégâts vers les satellites. Des solutions restent donc encore à trouver pour gérer, organiser et nettoyer nos périphériques spatiaux. Car si l’univers est infini, nos orbites ne le sont pas et il nous faudra récupérer et recycler nos déchets spatiaux.
Elon Musk et sa société Space X semble impulser ce mouvement et ouvrir la voie au recyclage spatial en réutilisant une partie de ses lanceurs. L’ensemble des industriels, dont ArianeGroup et son futur lanceur Ariane 6 sont entrés dans cette démarche économique.
Sur Terre, les chercheurs s’emploient désormais à rendre l’espace plus propre, plus sûr et économiquement viable.