De la startup, à la licorne industrielle

« Tout s’est déclenché quand j’ai échangé des cours de la majeure structure contre des cours de systèmes embarqués pour couvrir toutes les disciplines de la robotique », nous dit Romain, qui a également été animateur du club robotique où il a perfectionné ses connaissances en mécanique pratique et control command. Durant sa troisième année, il fait aussi un DESIA en parallèle. Un Diplôme d’Études Supérieures en Ingénierie des Affaires qui lui permet de se perfectionner en management, business, finance et ingénierie d’affaires.

Après 6 années comme ingénieur chez Astrium ou BA Système, il intègre General Electric Healthcare en 2010, et travaille sur la gestion fonctionnelle de l’équipe de développement robotique pour une nouvelle génération d’imageurs mammographies. Il y rencontre Renaud Heitz, Robotic Architect, qui deviendra le cofondateur et CTO d’EXOTEC.

Nous avons interrogé Romain Moulin pour en savoir davantage sur le développement et les objectifs de son entreprise et lui demander quelques conseils pour les futurs entrepreneurs de l’ISAE-SUPAERO.

Comment vous est venue l’idée de créer votre startup ?

Et les raisons qui vous ont poussés à entreprendre ?

En 2012, Renaud et moi travaillions chez General Electric Healthcare. C’est à ce moment qu’Amazon fait l’acquisition de la technologie de Kiva Systems, un robot capable de se déplacer et d’aller chercher des articles dans les entrepôts. Puis en 2014, Amazon annonce cesser la commercialisation de cette technologie pour en garder l’usage exclusif dans ses entrepôts. Passionnés tous deux de robotique, ayant commencé dans la logistique et partageant la même vision du secteur, nous décidons de concevoir notre propre système robotisé de préparation de commande avec une flotte de robots avec pour ambition de trouver une solution plus performante que celle d’Amazon.

Quelles sont les missions de votre entreprise ?

ses missions, ses enjeux et objectifs à court et moyen terme ?

Notre mission est d’optimiser la supply chain des entrepôts de nos clients. Quand nous avons créé Exotec en 2015, la demande des retailers est déjà forte, mais elle s’est accentuée avec la crise sanitaire et les difficultés de recrutement propres au secteur de la logistique. Notre offre actuelle se compose du système Skypod, qui est un ensemble de robots de type AMR (Autonomous Mobile Robot) pouvant se déplacer dans les 3 dimensions dans les entrepôts. Chacun pouvant escalader les armoires de stockage pour récupérer les produits grâce à un système de crémaillère.

Aujourd’hui l’entreprise compte 350 employés pour un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, et nous espérons le multiplier par 10 d’ici 3 à 4 ans. Cela sera réalisable grâce aux 500 recrutements prévus en R&D d’ici à 2025. Nous venons d‘effectuer une levée de fonds de 335 millions de dollars en janvier et sommes devenus la première licorne industrielle française. Cette levée de fonds permettra de poursuivre nos efforts de développement de nouveaux produits et d’internationalisation.

Exotec a toujours mis la R&D au centre de son activité. La moitié de nos 150 ingénieurs se consacre à cette activité. Nous envisageons de dévoiler un nouveau produit chaque année, afin de compléter notre offre actuelle qui se compose du système Skypod, et du bras articulé Skypicker. Nous souhaitons rapidement pouvoir aussi gérer l’ensemble des process d’un entrepôt pour gagner en proximité.

Pour vous que signifie le mot réussite ?

D’avoir créé quelque chose qui n’existait pas avant, un produit, autour d’une équipe. Je suis fier de mettre les mains dans le cambouis, de réaliser un produit concret, palpable, visible. C’est extrêmement satisfaisant tout comme la reconnaissance de nos clients. La réussite c’est aussi de créer une entreprise de 350 personnes qui ont l’air d’être heureuses d’aller travailler le matin ! Mais aussi, d’avoir su créer une culture d’excellence et d’écoute client au sein d’Exotec.

Quels conseils pourriez-vous donner à de jeunes entrepreneurs ?

De manière globale, il ne faut pas avoir peur de partager ses idées pour les améliorer, en parler à un maximum de personnes, et rencontrer le plus de clients potentiels possible. Les clients sont bienveillants et souvent heureux de collaborer. Cette démarche demande d’être prêt à revoir son idée, à l’étudier à nouveau pour la mûrir.

D’un point de vue business, il est important de ne pas céder à certaines demandes qui sont trop spécifiques à un seul client, il faut vendre un produit et non un projet, sinon il sera très difficile de faire grandir l’entreprise. Cela implique de dire non à des clients potentiels, d’être prêt à prendre le risque de fermer son entreprise. Mais il vaut mieux rapidement être fixé sur la viabilité de son produit et de son business model. L’investisseur est un client comme un autre, il faut comprendre ce qu’il cherche, et utiliser son feedback pour se remettre en question et mûrir son projet.

D’un point de vue hardware, il faut développer son produit le plus tard possible, car cela coûte cher. Il ne faut enclencher le processus de production que lorsque l’on est sûr de sa proposition. L’idéal est de signer un contrat avant de produire.

À la sortie de l’école, on sous-estime le travail que représente la réalisation d’un produit fini. Passer dans des entreprises qui structurent ces processus est une bonne idée, cela m’a été très utile. Si je devais recommander une seule lecture aux jeunes entrepreneurs, qui personnellement m’a été très utile, c’est le livre de l’entrepreneur américain Eric Ries, The Lean start-up (Editions Pearsons – 2015)

Et bien sûr, mon dernier conseil, et non des moindres, de savoir bien s’entourer.

Crédit photos : EXOTEC