Bémol sur les nuisances sonores
Mis en ligne le
Denis Matignon est enseignant-chercheur en mathématiques appliquées à l’ISAE-SUPAERO. En 1994, doctorant et flûtiste baroque, il réalise une thèse sur la synthèse sonore des instruments de musique à vent. Aujourd’hui, ses travaux sont partagés avec Estelle Piot chercheuse à l’ONERA, non plus pour créer des sons de synthèse, mais pour atténuer des sons gênants. Ensemble, ils conçoivent une modélisation à partir de l’utilisation de la dérivée fractionnaire pour réduire le bruit des réacteurs d’avion.
Déchiffrage d’une équation à quatre mains.
Denis Matignon a toujours eu à cœur d’allier musique et mathématiques. Pour concevoir la synthèse sonore des instruments de musique à vent lors de sa thèse, la clé a été de s’intéresser à une équation aux dérivées partielles fractionnaires, encore jamais résolue, qui permet de prendre en compte les effets visqueux et thermiques qui, dans l’air, disposent de longueurs caractéristiques. Il a utilisé une « dérivée fractionnaire ». Appliquée deux fois la dérivée fractionnaire d’ordre un-demi redonne la dérivée classique, celle-là même qui permet d’obtenir la vitesse à partir de la distance ou même l’accélération à partir de la vitesse.
En résolvant cette équation, Denis Matignon a créé un modèle capable de rendre compte de la propagation du son des instruments de musique à vent, en incluant les pertes visco-thermiques aux parois, afin de les recréer en synthèse sonore de la manière la plus réaliste. Pour ce travail, réalisé à l’IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique), il a reçu le Prix de la Meilleure thèse d’automatique de France décerné par l’AFCET en 1994. Maître de Conférences au département Traitement du Signal et de l’Image à Télécom Paris Tech, il a reçu cette distinction dans la Salle des Illustres au Capitole, un signe présageant son arrivée à Toulouse en 2007 comme Professeur et responsable de l’équipe de Mathématiques Appliquées" de l’ISAE-SUPAERO.
De la musique à la mise en sourdine des réacteurs.
Quinze ans plus tard, Estelle Piot, chercheuse à l’ONERA, utilise la dérivée fractionnaire, non pas pour créer des sons de synthèse, mais atténuer des bruits. Ensemble, ils décident de monter un projet de thèse visant à concevoir une modélisation capable de représenter les liners micro-perforés utilisés pour réduire le bruit des réacteurs d’avion. Ce projet s’est avéré une véritable réussite puisque cette modélisation est en phase d’appropriation par l’avionneur Airbus.
À la suite de ce premier projet de recherche, l’ISAE-SUPAERO et l’ONERA, poursuivent leur collaboration à travers une thèse de doctorat visant à modéliser la réduction du bruit des nacelles d’avion par l’utilisation de matériaux poreux. Comme un bruit est constitué de plusieurs fréquences sonores et pour que les revêtements acoustiques soient efficaces, il est important de localiser la bande de fréquences dans laquelle se situe le bruit. "Là où les mathématiques appliquées deviennent des mathématiques applicables"...
Des revêtements insonorisants pour des moteurs d’avion plus silencieux
Afin d’accompagner le secteur aéronautique dans sa transition phonique, l’ISAE-SUPAERO, en partenariat avec l’ONERA, conduit des travaux de recherche sur la réduction du bruit des réacteurs d’avions. À l’aide de cette partition mathématique complexe, les chercheurs modélisent la propagation du son au sein des réacteurs des aéronefs au travers des matériaux absorbants qui en tapissent la nacelle, en utilisant des liners micro perforés ou des matériaux poreux.
Les matériaux poreux sont à ce jour les seuls isolants efficaces pour supprimer les sons sur toutes les fréquences d’un bruit et sont particulièrement adaptés au secteur aéronautique. Cette thèse ambitionne d’accompagner les constructeurs et compagnies aériennes dans leur tournant vers l’écologie sonore. Une preuve qu’ici les mathématiques appliquées deviennent des mathématiques applicables.