Allocution du directeur général de l’ISAE-SUPAERO en hommage à Samuel Paty

Mis en ligne le

Vendredi soir, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflans Ste Honorine, a été assassiné de façon barbare. Il a été assassiné parce qu’il exerçait son métier d’enseignant en promouvant auprès de ses élèves la liberté d’expression, une des valeurs qui fondent notre civilisation et notre démocratie. Par son caractère barbare, mais aussi par son caractère symbolique, cet événement nous ramène aux heures les plus sombres de notre histoire. L’émotion, relayée par tous les médias, est considérable dans notre pays et chez nos voisins.

Touchés par cet événement dramatique et refusant le retour de la barbarie, nous nous joignons aujourd’hui au témoignage de la Nation à travers l’hommage rendu par le président de la République.
Notre solidarité et notre volonté de combattre la violence faite à notre pays et à notre civilisation est sans faille. Comme lors des attentats de 2015 et 2016, les mots sont bien faibles face à la brutalité des faits et des émotions. Comme alors, il est cependant nécessaire de dépasser l’émotion immédiate et l’indignation légitime pour réfléchir à ce que nous pouvons, à ce que nous devons faire concrètement pour éviter que cela ne se reproduise et ne s’amplifie, pour éviter de tomber dans le piège historique de la violence qui entretient la violence. Et je crois qu’un établissement d’enseignement supérieur comme le nôtre, ainsi que la population d’ingénieurs et de scientifiques qu’il accueille et qu’il forme, ont un rôle particulier à jouer dans ce sens, en travaillant sur le long terme au progrès de l’humanité.

Car le développement de la pensée et de la culture scientifique n’a pas seulement conduit au développement matériel spectaculaire de ces deux derniers siècles. Le développement de la pensée et de la culture scientifique a également joué un rôle essentiel dans la réduction du niveau de violence de nos sociétés et dans l’avènement d’une période de paix sans précédent dans l’histoire. Même si nos médias ont tendance à gommer cette réalité, nos générations ont vécu et vivent encore dans un monde beaucoup moins violent que celui de nos prédécesseurs – les cérémonies du 11 novembre nous le rappelleront dans quelques semaines.

Cette paix, cependant, n’est jamais acquise. Ses ennemis historiques sont les émois collectifs qui portent à une violence irréfléchie – et c’est d’ailleurs le premier piège dont il faut nous garder dans ces circonstances. Ce sont aussi et surtout les idéologies qui prétendent détenir la vérité transcendante ou historique pour justifier une violence qui peut être plus dangereuse encore, parce que froide et réfléchie. Une telle idéologie est clairement à l’œuvre derrière l’attentat de vendredi.
Les moyens policiers et militaires sont une réponse de maintien de l’ordre, mais ce n’est pas seulement avec ces moyens que nous combattrons efficacement émotions et idéologie et que nous réduirons durablement la violence. C’est sur le terrain des idées que le combat essentiel a lieu, dans l’esprit de nos concitoyens et dans celle de tous les hommes et femmes de notre monde, et en particulier des jeunes générations. C’est là que la culture scientifique, son déploiement et son appropriation par l’ensemble des populations a un rôle essentiel à jouer. Car la culture scientifique, c’est bien sûr la priorité donnée à la raison sur l’émotion. Mais c’est aussi la défense constante de la liberté d’expression. Pas de progrès scientifique sans liberté de formuler des hypothèses, si contraires soient-elles au sens commun, et sans liberté d’en débattre. C’est enfin, et peut-être d’abord, l’humilité devant les faits, la priorité donnée à la réalité sensible sur les discours et les croyances. Ces principes sont essentiels car ils signifient le refus constant, en toutes circonstances et en tous lieux, du primat de l’idéologie, comme celui de la démagogie. Et cela constitue, sur le long terme, le meilleur rempart contre la violence et ses vecteurs.

Cela fait partie de la mission de notre établissement que de développer l’esprit scientifique de nouvelles générations d’ingénieurs, et nous allons bien sûr poursuivre dans cette voie, en continuant à élargir notre public. Car c’est aussi notre responsabilité individuelle, à chacun et chacune de nous, que nous soyons chercheurs, enseignants, personnels administratifs ou techniques, étudiants, que de porter et diffuser cette culture autour de nous le plus largement possible, dans la vie professionnelle mais aussi dans toutes les circonstances de la vie quotidienne et dans l’engagement citoyen. C’est pourquoi je voudrais saluer en particulier les hommes et les femmes qui portent au quotidien notre programme d’ouverture sociale, OSE l’ISAE. OSE L’ISAE va au contact des jeunes des collèges et lycées de quartiers prioritaires pour les convaincre que les études supérieures scientifiques leur sont accessibles et les aider à y parvenir lorsqu’ils font ce choix. Voilà un bel exemple d’action de fond, très concrète que nous pouvons mener à notre niveau pour répondre à la menace qui nous a été rappelée si dramatiquement vendredi. J’encourage nos élèves et nos enseignants à s’y impliquer plus nombreux que jamais. Au-delà de cet exemple, je ne doute pas que chacun d’entre eux saura trouver des moyens concrets pour participer à cette mission essentielle pour notre avenir.

Au-delà de l’émotion, au-delà de l’indignation, il faut maintenant passer à la réflexion et à l’action. Nous avons tous un rôle à jouer pour combattre la résurgence de la violence et de la barbarie.

Olivier Lesbre,
Directeur Général de l’ISAE-SUPAERO

Nos actualités Institut

Pour accéder à toutes les fonctionnalités de ce site, vous devez activer JavaScript. Voici les instructions pour activer JavaScript dans votre navigateur Web.
Choisir un flux RSS
Tout le flux RSS
Flux RSS par thème
Campus Formations Institut International Ouverture sociale Recherche Entreprises Développement Durable Innovation DEOS Alumni Doctorat DCAS Ingénieur DMSM Mastère Spécialisé DISC LACS Apprentissage Evénement DAEP