Ariane 6 : à l’ISAE-SUPAERO, des chercheurs travaillent déjà à l’après
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Le lanceur européen Ariane 6 intègre des innovations technologiques majeures comme le moteur Vinci, capable de se rallumer dans l’espace.
À l’ISAE-SUPAERO, des chercheurs se confrontent aux défis que représentent les moteurs de fusée de demain.
Décryptage avec Annafederica Urbano, enseignante-chercheuse spécialisée en propulsion spatiale et systèmes de transport spatial.
5... 4... 3... 2... 1... Top ! Ce mardi 9 juillet, le vol inaugural d’Ariane 6 a permis de franchir une nouvelle étape majeure dans l’odyssée spatiale européenne, marquant un tournant stratégique pour l’indépendance de l’Europe et de la France en matière d’accès à l’espace.
Et c’est un bijou de technologie qui s’est élevé dans le ciel au-dessus du Centre spatial guyanais.
« Ariane 6, bien que similaire à Ariane 5 sur le plan architectural, représente une avancée significative, car elle permet de diviser par deux les coûts et intègre des innovations technologiques importantes », commente Annafederica Urbano, enseignante-chercheuse spécialisée en propulsion spatiale et systèmes de transport spatial à l’ISAE-SUPAERO.
Répondre aux exigences du NewSpace
Parmi ces technologies, le monteur Vinci : « Il est capable de se rallumer dans l’espace, permettant de placer plusieurs satellites en orbite lors d’une même mission et offrant une flexibilité inédite. » Autre avancée d’Ariane 6 par rapport à sa prédécesseuse, « sa modularité et sa polyvalence. C’est une fusée conçue pour pouvoir faire face à des missions très différentes les unes des autres, et ainsi répondre aux exigences du marché du NewSpace. »
Si ce vol inaugural représente des avancées technologiques importantes, les chercheurs de l’ISAE-SUPAERO planchent sur les moteurs du futur, à l’heure où les concurrences américaine et chinoise poussent l’Europe spatiale à accélérer son développement.
Les chercheurs du laboratoire Conception des systèmes spatiaux travaillent ainsi sur les futures générations de lanceurs, notamment sur les moteurs réutilisables, et sur le comportement des fluides dans les moteurs fusées. Leurs travaux de recherche sont soutenus par ArianeGroup et Airbus Defence & Space dans le cadre de la chaire SaCLaB2, le CNES, l’ESA, l’ANR et la Région Occitanie.
Le méthane et sa complexité
Annafederica Urbano et son équipe, composée de quatre doctorants et de deux post-doctorants, s’intéressent plus particulièrement à la propulsion liquide. Notamment au méthane, considéré comme le combustible du futur. « Il permet une réduction de coût par rapport à l’hydrogène tout en conservant des performances satisfaisantes », explique-t-elle. Pas employé dans les moteurs d’Ariane 6, il équipera les moteurs Raptor du Starship de l’Américain SpaceX. Problème : « Son utilisation engendre des phénomènes complexes encore mal compris. »
Autre défi auquel se confronte la chercheuse et son équipe : les moteurs réutilisables et « la manière dont les fluides se comportent à l’atterrissage par rapport aux autres phases de vol ». « En diminuant la poussée du moteur pour atterrir, l’oxygène injecté dans le moteur devient liquide », souligne Annafederica Urbano. Cela impacte la combustion et peut engendrer des problèmes importants. » La chercheuse vient d’obtenir un financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) via une bourse « jeune chercheur » pour mieux comprendre ce phénomène, « dont on connaît mal les principes fondamentaux. »
Simulations numériques
Dans le but d’explorer et de mieux appréhender ces phénomènes, l’équipe d’Annafederica Urbano s’attache à établir des modélisations numériques des fluides et des moteurs de fusée de dernière génération. Elle s’appuie également sur des algorithmes d’intelligence artificielle pour extraire des modèles fondés sur des calculs et ainsi créer des simulations représentatives, permettant une diminution du nombre d’essais coûteux.
« Dans une décennie, nous serons capables de concevoir des moteurs de fusée grâce à la modélisation numérique, soutenue par des expériences pratiques », prévoit la chercheuse. Dont ceux de la future Ariane ?
Spécialisée en propulsion spatiale et systèmes de transport spatial, j’ai obtenu mon doctorat en 2012 à l’Université La Sapienza de Rome après une thèse sur le système de refroidissement régénératif des moteurs-fusées à méthane liquide. J’ai poursuivi mes recherches dans les domaines de la combustion et de l’étude des écoulements diphasiques. J’ai rejoint l’ISAE-SUPAERO en 2019 en tant qu’enseignante-chercheuse en systèmes et lanceurs spatiaux, dans le département Conception et conduite des véhicules aérospatiaux (DCAS). Je suis responsable de la chaire sur les concepts spatiaux avancés (SaCLaB2), développée en partenariat avec Airbus Defense and Space et ArianeGroup. Dans le domaine de la formation, je dispense des cours sur les systèmes de lancement et sur la propulsion fusée auprès des étudiants du Master of Science in Aerospace Engineering et de la formation ingénieur ISAE-SUPAERO.
Les formations au spatial à l’ISAE-SUPAERO
La formation en ingénierie spatiale occupe une partie importante des cursus Ingénieur et Master. Le laboratoire Conception des systèmes spatiaux accueille d’ailleurs régulièrement des étudiants de ces filières pour des projets ou des stages de recherche. L’ISAE-SUPAERO propose également deux Mastères Spécialisés® – une année de spécialisation post-Master – entièrement voués aux études spatiales : le MS Space Applications & Services (SPAPS), en partenariat avec Airbus Defense and Space, qui forme aux applications dans les télécommunications spatiales et l’observation de la Terre, et le MS Space Systems Engineering (TAS ASTRO), qui forme à l’ingénierie des systèmes spatiaux.